Mon MLF by Marie-Jo Bonnet


Mon MLF
Title : Mon MLF
Author :
Rating :
ISBN : 2226402039
ISBN-10 : 9782226402035
Language : French
Format Type : Paperback
Number of Pages : 410
Publication : First published April 23, 2018

Des Gouines rouges à la Spirale, en passant par le groupe d'études féministes de l'Université Paris VII et bien d'autres collectifs fondés dans le feu de l'action, l'auteure a participé aux combats féministes de toute une génération. Elle raconte, de l'intérieur, la naissance, les espoirs, les victoires et les échecs du MLF.


Mon MLF Reviews


  • Calcédoine

    MJB raconte sa vie au sein du MLF pendant plus d'une décennie, de mai 68 à la fin des années 70. Elle relate les débuts du mouvement, l'effervescence et la créativité initiale, la lutte pour le droit à la contraception et l'avortement, les relations complexes entre le mouvement des femmes et celui des homosexuel-les. On y voit se développer les fractures au sein des mouvements de femmes en luttes, entre le groupe Psychanalyse et Politique d'Antoinette Fouque d'une part et le reste du mouvement de l'autre.
    Il est intéressant de voir le chemin parcouru, mais aussi que certains serpents de mer ne datent pas d'hier (je pense par exemple aux frictions entre le MLF et la CGT sur le sujet de l'appel à la justice pour condamner les violeurs, qui était qualifié à l'époque de collusion avec le système, et qui aujourd'hui vaut des accusations de "féminisme carcéral").

  • Nicolas Lontel

    Un très très beau récit de la genèse du MLF à sa "fin" du début des années '70, après le mai '68, à la fin de cette même décennie à travers les yeux et le parcours de la militante, lesbienne et essayiste Marie-Jo Bonnet. À la fois mémoire de l'auteure et mémoire du mouvement: elle parle des chansons, des slogans, des actions (de la gerbe de fleur à la femme du soldat inconnu à la manif. contre l'homophobie en passant par le commando saucisson et une action du MLF et de militantes italiennes dans un congrès de psychanalystes en Italie), elle aborde aussi les manifestations, les manifestations, les revues féministes d'alors et l'histoire du mouvement. Marie-Jo Bonnet raconte ses souvenirs de discussions, de rencontres (on les voit presque toutes de Monique Wittig à Simone de Beauvoir en passant par Françoise d'Eaubonne, Guy Hocquenghem, les amies de Bonnet, les militantes, etc.), de manifestations, d'AG, etc. Tout cet aspect de couverture du mouvement est franchement motivant, époustouflant, et on aurait vraiment adoré·es militer à ses côtés et celles de ces centaines et milliers de femmes composant le MLF.

    Malheureusement, l'histoire du MLF n'est pas une histoire où tout est beau, bien et tout le monde s'entend. Marie-Jo raconte avec beaucoup de détails et d'explications la fracture entre le groupe de Psy et Po d'Antoinette Fouque et les féministes radicales très tôt (notamment dans ses conflits avec Monique Wittig) jusqu'à la judiciarisation de militantes et dissidentes à la pensée de Fouque et finalement la mainmise de Fouque sur les écrits du MLF en enregistrant ce sigle et ayant la possibilité de s' "authoriser" toute la pensée et les écrits à ce nom en plus de se prendre pour la porte-parole officielle du mouvement. C'est définitivement un livre qui veut régler des comptes et on la comprend, beaucoup d'histoires racontées ici se transmettaient parfois sous la forme de rumeurs et on comprend beaucoup mieux le féminisme d'aujourd'hui en France à travers le prisme de scission qui s'est effectué entre les féministes radicales et les féministes essentialistes et psychanalysante de Fouque. Cette dernière est dépeint comme une opportuniste et une manipulatrice et les nombreux exemples, témoignages, vols, appropriations (pas dans le bon sens du terme) et procès témoignent de ce comportement. La fin de l'essai laisse justement sur une note assez triste quand au mouvement brisé à cause de ce conflit centralisé.

    L'essai ne se concentre cependant pas juste sur le conflit et réfléchit énormément à toutes la place accordé au militantisme politique et radical, aux théories alors en émergence autour du lesbianisme et du féminisme et des contradictions que cela apportait parfois avec les homosexuels, mais avec qui la bonne entente était toujours présente et la réflexion apportait à tou·tes et chacun·e de part et d'autre, les mouvements féministes internationaux, que ce soit avec les Italiennes ou les Tunisiennes, les nombreux groupes d'actions, de parole et de conscience qui se formaient et permettaient l'émancipation des femmes.
    Elle reparle beaucoup de théorie et de ses impressions sur ces dernières, évidemment la psychanalyse, mais aussi sur le désir, l'homosexualité, le lesbianisme (politique et non), l'action politique, la judiciarisation des conflits et violences, etc. Elle exprime parfois son soutien, parfois son désaccord avec une grande humilité qui double ce besoin de réfléchir par soi-même à ces théories (elle prend un grand soin de les expliquer en détails chaque fois).

    Bref, c'est un projet excessivement ambitieux: rendre compte des actions et de l'évolution du MLF à travers les yeux d'une des protagonistes du mouvement, mais c'est une réussite critique et au niveau de l'affect aussi. J'ai beau être passionné· par cette période et avoir lu beaucoup des revues et de l'histoire; chaque chapitre apportait de nouveaux éléments, en éclairait d'autres, apportaient de nouvelles pierres à l'histoire du MLF en plus de ses nombreuses anecdotes dont on se régale d'un bout à l'autre (étant super super fan de Françoise d'Eaubonne, j'ai été beaucoup beaucoup plus que servis et le sourire me venait spontanément).

    Personnellement, je trouve que c'est un des plus beaux ouvrages sur le mouvement, de loin de par son étendue et son importance attaché à l'historique (et à la création d'un certain récit autour du MLF, on va se le dire quand même), aussi à l'anecdote, mais surtout à l'aspect humaine autour. Comme d'Eaubonne le soulignait dans un de ses essais au sujet de l'hymne du MLF (amplement mentionné dans Mon MLF :) ), «nous qui n'avons pas d'histoire» aurait pu être remplacé par « on nous a volé notre histoire » (cité de mémoire) et Marie-Jo Bonnet nous la restitue, comme le reste de son oeuvre l'a d'ailleurs fait, de manière magistrale.

    À la fin, on ne veut que crier: «Ensemble révoltons-nous!»