Anthologie de la nouvelle poèsie nègre et malgache de langue française by Léopold Sédar Senghor


Anthologie de la nouvelle poèsie nègre et malgache de langue française
Title : Anthologie de la nouvelle poèsie nègre et malgache de langue française
Author :
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ISBN : 2130653057
ISBN-10 : 9782130653059
Language : French
Format Type : Paperback
Number of Pages : 276
Publication : First published January 1, 1948

« Qu’est-ce donc que vous espériez, quand vous ôtiez le bâillon qui fermait ces bouches noires ? Qu’elles allaient entonner vos louanges ? Ces têtes que nos pères avaient courbées jusqu’à terre par la force, pensiez-vous, quand elles se relèveraient, lire l’adoration dans leurs yeux ? Voici des hommes noirs debout qui nous regardent et je vous souhaite de ressentir comme moi le saisissement d’être vus. Car le blanc a joui trois mille ans du privilège de voir sans qu’on le voie ; il était regard pur, la lumière de ses yeux tirait toute chose de l’ombre natale, la blancheur de sa peau c’était un regard encore, de la lumière condensée. L’homme blanc, blanc parce qu’il était homme, blanc comme le jour, blanc comme la vérité, blanc comme la vertu, éclairait la création comme une torche, dévoilait l’essence secrète et blanche des êtres. Aujourd’hui ces hommes noirs nous regardent et notre regard rentre dans nos yeux ; des torches noires, à leur tour, éclairent le monde et nos têtes blanches ne sont plus que de petits lampions balancés par le vent. »
Jean-Paul Sartre


Anthologie de la nouvelle poèsie nègre et malgache de langue française Reviews


  • Víctor Bermúdez

    Nuit de Sine.

    Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques, tes mains
    douces plus que fourrure.
    Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise
    nocturne
    À peine. Pas même la chanson de nourrice.
    Qu'il nous berce, le silence rythmé.

    Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écou-
    tons
    Battre le pouls profond de l'Afrique dans la brume des villages
    perdus.

    Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
    Voici que s'assoupissent les éclats de rire, que les conteurs
    eux-mêmes
    Dodelinent de la tête comme l'enfant sur le dos de sa mère
    Voici que les pieds des danseurs s'alourdissent, que s’alourdit
    la langue des chœurs alternés.

    C'est l'heure des étoiles et de la nuit qui songe et
    s'accoude à cette colline de nuages, drapée dans son long pagne
    de lait.

    Les toits des cases luisent tendrement. Que disent-ils, si confidentiels, aux étoiles?
    Dedans, le foyer s'éteint dans l'intimité d'odeurs acres et douces.

    Femme, allume la lampe au beurre clair, que causent autour
    les ancêtres comme les parents, les enfants au lit.
    Ecoutons la voix des Anciens d'Elissa. Comme nous exilés
    Ils n'ont pas voulu mourir, que se perdît par les sables leur
    torrent séminal.
    Que j'écoute, dans la case enfumée que visite un reflet d’âmes
    propices
    Ma tête sur ton sein chaud comme un dang au sortir du feu et
    fumant
    Que je respire l'odeur de nos Morts, que je recueille et redise
    leur voix vivante, que j'apprenne à
    Vivre avant de descendre, au-delà du plongeur, dans les
    hautes profondeurs du sommeil.

    Léopold Sédar Senghor (Chants d’ombre)

    (149-150)

  • Pierre Joris

    Found a first edition of this marvelous book for less than $20 a couple years ago in a secondhand bookshop in a small town of the Pyrenees. It made my summer!

  • David Burns

    A Pablo Picasso

    Elle dort et repose sur la candeur du sable.
    Koumba Tam dort. Une palme verte voile la fièvre des cheveux, cuivre le front courbe.
    Les paupières closes, coupe double et sources scellées.
    Ce fin croissant, cette lèvre plus noire et lourde à peine – ou’ le sourire de la femme complice?
    Les patènes des joues, le dessin du menton chantent l’accord muet.
    Visage de masque fermé à l’éphémère, sans yeux sans matière.
    Tête de bronze parfaite et sa patine de temps.
    Que ne souillent fards ni rougeur ni rides, ni traces de larmes ni de baisers
    O visage tel que Dieu t’a créé avant la mémoire même des âges.
    Visage de l’aube du monde, ne t’ouvre pas comme un col tendre pour émouvoir ma chair.
    Je t’adore, ô Beauté, de mon œil monocorde!


    Anthologie de la nouvelle poèsie nègre et malgache de langue française ** Ce livre a été lu au Sénégal, en Arabie Saoudite et à Bahreïn (janvier et février 2022)

  • Aomar Abdellaoui

    Chef d'oeuvre. Et la préface de Sartre est le plus beau texte que j'ai lu depuis des années !